Il est vrai, entre nous, que tu es la
plus belle,
Mais qu'il faut bien tailler dans ta
toison rebelle
Au milieu du concert que donnent les
oiseaux
Du printemps.
Comme passe le temps
De ton chapeau fleuri et de ta robe
verte,
Vient s'offrir à nos yeux une
autre découverte .
Ce sont tes cheveux d'or,
Toison de grains de blé, un
merveilleux trésor.
C'est déjà Messidor.
Quand passe Thermidor,
S'éloignent de ton front les
moites canicules,
Alors ton sol trop nu est un peu
ridicule,
C'est la demi-saison,
Et tu viens endosser un ensemble un peu
fou
Où l'on voit dominer la sanguine
et le roux,
Sachant pertinemment que ta parure
fauve
Est ton dernier plaisir,
qu'après tu seras chauve,
Que tu vas t'endormir dans les bras de
l'hiver
Car la boucle est bouclée et
morne est l'univers.
Ma terre,
J'ai dansé sur ton dos la ronde
des saisons,
La polka des moissons, valse des
fenaisons,
Pas de deux des vendanges.
C'était le bal étrange
De tous les culs-terreux.
Je l'ai fait " travailler ",
j'ai eu de la besogne.
Je suis un exploiteur et le dis sans
vergogne.
Pour toi la soumission,
Mais pas de rémission
Pour les coupeurs de"
lèches "
Le manche de la bêche
M'a torturé la main.
Tu fus mon gagne-pain !
De mon soc aiguisé j'ai ouvert
tes entrailles
Pour enfouir en ton sein l'espoir de
mes semailles,
Mais, au fond, nos deux coeurs
battaient à l'unisson
Depuis que je n'étais qu'un tout
petit garçon.
Les hommes m'avaient dit: " Tu es
propriétaire,
C'est ta terre!
Et moi, je l'avais cru !
Il y a de l'abus :
Je sais bien maintenant que tu n'es
à personne
Et que je suis à toi,
Car, le moment venu, ma carcasse en
frissonne,
J'irai me reposer au creux de ton
parterre,
Ma terre,
En Paix.
25 septembre 1992
Pisser face au soleil
et péter dans le vent
Pisser face au soleil et péter
dans le vent,
C'est de la liberté la
vérité première,
Car en cambrant les reins en plein
dans la lumière
Et pour guider le jet arrondissant la
main,
On se trouve faraud parmi tous les
humains.
Hypocrite bourgeois qui te voiles la
face,
Regarde donc un peu un homme de ta
race
Pisser face au soleil et péter
dans le vent
Avant de se coucher et puis en se
levant.
Pisser face au soleil et péter
dans le vent
A toujours ébloui mon
âme libertaire,
Voulant directement remettre à
notre terre
De son vin généreux le
pauvre résidu.
Je sais que l'on prétend que
je n'aurais pas dû,
Et la bigote outrée,
horrifiée et hagarde,
Ne croit pas que son Dieu, qui
pourtant me regarde,
Doit se frotter les mains en me
voyant souvent
Pisser face au solei 1 et
péter dans le vent.
Pisser face au soleil et péter
dans le vent,
Je sais que l'on admet, sur notre
terre ingrate,
Que le malheureux chien puisse lever
la patte
Et que le ruminant, créant
tout un ruisseau,
N'a jamais pu troubler vos cervelles
de sots.
Vous détournez les yeux
pendant que je vidange,
Mais vous froncez le nez car
ça sent la vendange,
Quand je pisse au soleil et
pète dans le vent.
Des sujets féminins s'en vont
tout en rêvant ...
Pisser face au soleil et péter
dans le vent,
Vous qui vivez serrés un peu
comme des moules,
Cet acte merveilleux vous fait
tourner la boule.
La morale et la loi pourtant vous ont
traqués
Et, croyant vivre heureux, vous vous
êtes parqués.
Vous pouvez bien, les gars, gagner de
la galette,
En avoir, après tout, une
pleine mallette.
Il n'est qu'un homme au monde, et
c'est le paysan,
Pour pisser face au soleil et
péter dans le vent.
Pisser face au soleil et péter
dans le vent,
Avant que le grand froid ait
gagné mes vertèbres,
Que mon âme ait sombré
dans les grandes ténèbres,
Que tout soit effacé, qu'il ne
reste plus rien,
Je voudrais demander à cette
providence
De bien me soulager à la
même cadence,
De pouvoir chaque jour, et ça
pendant longtemps,
Pisser face au soleil et péter
dans le vent.
Pourquoi,
Si l'humain fut créé
à l'image de Dieu,
Mais pourquoi donc, alors, est-il
aussi odieux ?
Pourquoi tant de Judas et de Ponce
Pi1ate,
Tant de buveurs de sang grisés
par l'écarlate
Et tant de tortionnaires à
l'esprit tortueux,
Tant de hargne et de haine et d'actes
monstrueux,
Et tal:'t d'indifférence
à la peine des autres ?
Suffisance, égoïsme
où souvent on se vautre,
Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi ?
C'esi de la répulsion
Chez les individus, les groupes, les
nations ?
Investigations !
Cherchons d'où vient 1e mal,
tout comme un thérapeute,
Remontons au début avec le
Pentateuque :
Tout part de la Genèse
où l'on peut constater
Que dès la création ,
ils étaient excités :
C'est le frère assassin et la
femme salope,
Avec intensité, le mal se
développe.
Le pauvre Adam trompé,
chassé du Paradis,
Pour nous a commencé le grand
bal des maudits.
Il y a deux
mille ans,
Dans ce monde excessif , un souffle
messianique
Pour
combattre l'inique.
De cette pourriture émerge un
rédempteur
Qui périra des mains de tous
ses contempteurs.
Enfin, de cette nuit jaillissait la
lumière,
C'était
une première.
Mais deux mille ans après,
nous devons nous avouer
Que le pauvre Jésus a
été désavoué :
Son esprit, les marchands l'ont
chassé de son temple.
Refuge de l'enfant, hâvre du
prisonnier,
Ayant été les deux, je ne
peux te renier.
Notre défécation
arrêtant le vigile,
Du monde carcéral tu es le seul
asile.
On les a dits d'aisance, et c'est ce qui
indique
Que tous les oppresseurs, voulant rester
pudiques,
S'arrêtent sur son seuil,
respectant le tabou.
Bien qu'étant accroupi, on s'y
trouve debout,
Apaisé, relaxé, car on veut
dans l'attente
Prolonger très longtemps
l'agréable détente.
Hélas ! trois fois
hélas ! les instants y sont courts,
La halte d'un moment, pour reprendre un
parcours
Parsemé de contraintes et autres
avanies
Qui nous font regretter la parfaite
harmonie
De ce petit endroit où l'esprit et
le corps
Etaient pour une fois parfaitement
d'accord.
Moralité
Dans notre société
orgueiIleuse, superbe,
C'est là qu'il faut aller lorsque
l'on vous emmerde.
Nous sommes tous passés par
elle !
Je parle
De la génitale.
Mais il y a aussi celle
Du capital.
Qu'elle soit oui ou non testicule,
Dans les deux cas on gesticule.
Mais chez ces gesticulateurs,
Il y a les géniteurs
Et les spéculateurs
De la vie.
Celle qui nous conditionne,
C'est la bourse des valeurs
Porteuse de douleurs.
En effet, si l'on additionne
Ses bienfaits et ses méfaits,
Que d'êtres elle a
défaits !
Combien de chômeurs, combien de
misérables,
D'enfants pleurant de faim,
D'existences sans lendemain ?
Son motif: le pognon qui est
inexorable.
Reflexion
A ceux qui ont rêvé de
purifier le monde,
Je dis que c'est bien là qu'il
faut poser des bombes.
Zut à ta T.V.A., merde au
marché commun,
Moi, l'ai faissé tomber les
outits de mes mains.
C'est penché sur le feu qui
crépite et qui brille
Que le vois repasser l'ombre d'un
loyeux drille.
Puisque je suis fini, puisque je suis
vaincu,
Je songe à mes quinze ans en me
chauffant le cul.
Quinze ans, y pensez-vous ? Mais
c'était le bon temps
Où tout était nouveau,
agréable et tentant,
Où la fille en émoi
sentant monter la sève
Appelle le faux pas, voulant imiter
Eve.
Ca s'est passé ainsi, gentiment,
sans façon,
Quand, jeune paysan, j'ai pris une
leçon.
Et vous, bourgeois, cagots hargneux et
tatillons,
Laissez-moi donc chanter un petit
cotillon,
Laissez-moi donc chanter la petite
bergère,
Laissez-moi exalter son ombre si
légère,
Car au fond de mon coeur je voudrais
que ce chant
Ait toute la beauté qu'a le
so1ei1 couchant.
C'était une gamine, je
n'étais qu'un gamin,
Mais déjà, par les yeux,
par la bouche et la main,
Nous prenions des leçons
d'histoire naturelle.
Nous inventions des jeux avec la volonté
De deux enfants perdus cherchant la
vérité.
Quand je la butinais, elle avait des
façons
De dire à demi-mot :
« Tu n'es qu'un polisson »
Ce n'était cependant qu'une
ébauche de femme,
Mais sous son caraco, qu'ils avaient
donc du charme
les renflements mignons des petits
seins pointus
Qui redressaient la t'te,
effrontément têtus !
Si je voulais toucher le bord de son
jupon,
Je la voyais froncer le nez d'un air
fripon.
Mais je voyais aussi qu'elle attendait
la chose
En passant sur ses dents un bout de langue
rose.
Je ne dirai lamais, même en
parlant tout bas,
Ce que nous avons fait au cours de nos
ébats.
On est libre, dit-on dans ce monde
aseptique.
Mais moi je n'y crois pas et je reste
sceptique.
Pour poser la culotte ou bien le
pantalon ,
Il faut nous enfermer dans un petit
salon.
Et là, étant assis,
sans une défaillance,
On vient en soupirant emmerder la
faïence,
Et puis de la cuvette on referme le
rond.
Il n'y a pas de quoi faire le
fanfaron !
Pour moi, le paysan, étant
loin de la ville,
Je ne suis pas astreint aux
contraintes serviles.
Aussi, c'est dans les champs, sans me
presser de trop,
Que je viens accomplir les gestes
ancestraux
Qui tournent la rotule et
relèvent la cuisse,
Supportant le fessier pour lui rendre
service.
C'est avec cet appui que l'on
soutient l'effort
Qui soulage l'esprit en
libérant le corps.
Je sais, mon cher petit, qu'en l'humble
cheminée
Où descendra Noël,
Tu as mis cette année, ainsi que chaque année,
Ta Iettre pour le ciel.
Le vent, qui te fait peur quand il est en colère,
L'a transmise tà-haut,
Et Noël est venu me la lire en mystère
A travers mes barreaux.
Dans sa voix qui tremblait d'une émotion profonde,
J'ai reconnu ta voix,
Ta voix caline et douce, ta voix de tête blonde
Que j'ai gardée pour moi.
Les mots que tu disais, je t'entendais les dire
Comme au temps d'autrefois,
Lorsque, sur mes genoux, tu essayais de lire
Tout un livre à la fois.
Et ta lettre, chéri, dédaignant la fortune,
Les joujoux qu'on n'a pas,
Demandant cette année un peu plus que la lune,
Demandait ton papa.
Oubliant Cendrillon, Peau d'Ane et leur cortège,
Tu voulais ton papa.
Alors Noël s'est tu dans sa barbe de neige
Et j'ai pleuré tout bas.
Le vieillard tout puissant ne pouvait satisfaire
A ton ardent désir,
Alors il appela le vent de la nuit claire,
Le vent qui fait frémir.
Et prenant dans mon coeur tout mon amour irnmense
Je l'ai mis dans ces vers.
Le vent te les dira tout bas dans le silence
Des longues nuits d'hiver.
Décembre 1940 MG. Stalag IV-A.
J'ai vu pointer l'aurore au fond du
crépuscule,
Quelque chose de grand venant du
minuscule.
De ma misanthropie en perçant
le brouillard
Tu as fait palpiter le coeur mort du
vieillard.
Articulant ton nom, fait de Laure et
de Reine,
Je vois la poésie et le charme
qui trainent
Dans un mot prononcé avec
beàucoup d'amour.
Je m'en vais vers la nuit, tu t'en vas
vers le jour !
J'ai vu pointer l'aurore au fond du
crépuscule,
Quelque chose de grand venant du minuscule.
Une petite fille, un tout petit
enfant.
Au fond de mon granit, quelque chose
se fend,
Un plaisir délicieux, un
bonheur sans mélange,
L'extase du païen qui voit
sourire un ange.
J'ai vu pointer l'aurore au fond du
crépuscule,
Quelque chose de grand venant du
minuscule.
De grands yeux noirs brillants comme
des escarboucles
Sous un front de satin
auréolé de boucles.
Pour avoir le plaisir de contempler
Lauren,
Si j'avais le pouvoir de suspendre le
temps,
Je figerais sa vie, et mon âme
sereine
Verrait dans mon hiver un
éternel printemps.
Fait à Massognes en mai mil
neuf cent quatre voingt onze.
Peu de gens ont compris
Pourquoi le gueux votait souvent
comme un nanti.
On parle de bêtise,
C'est plutôt du ressort de la
psychanalyse.
Depuis la fleur de lys,
Ils ont ça dans le sang comme
une syphilis ;
Leur subconscient les lave,
Car leurs gènes ont inscrit
leur condition d'esclaves.
Chacun sait qu'ici-bas
Quand vient un Spartacus, il y a cent
Judas.
C'est eux qui font l'office
De lécheurs assidus des riches
orifices.
Ils sont toujours contents,
Toujours prêts à
blanchir l'affront des inconstants.
Les ont accoutumés à
vivre de promesses.
Rien ne peut les changer,
Ils sont toujours pour ceux qui leur
en font manger.
Se tenant sous la table
De leur ancien seigneur, de leur
nouveau notable,
Comme un chien grappillant les
miettes d'un festin,
Ils suivent leur destin.
Ils existaient déjà dans
le fin fond des âges
Et c'est bien grâce à eux,
c'est grâce à leur ouvrage
Que notre humanité triompha de
la nuit.
Il faut s'en souvenir en pensant
qu'aujourd'hui,
Sans l'ombre d'un regret, sans avoir de
remords,
On les condamne à mort ,
Les Artisans.
Leur instinct inventif guidant leurs
doigts dociles,
Ils nous ont fabriqué l'outil et
l'ustensile,
Ils nous ont protégés et
ils nous ont vêtus,
Au prix d'un dur labeur opiniâtre
et têtu.
Sans l'ombre d'un regret, sans avoir de
remords,
On les condamne à mort,
Les Artisans.
Nous
avions des besoins et même des envies,
ils
ont fait les objets jalonnant notre vie,
Autour
de nos berceaux, autour de nos cercueils,
t1s
étaient toujours là, franchissant notre seuil.
Sans
l'ombre d'un regret, sans avoir de remords,
On
les condamne à mort,
Les
Artisans.
Ayant très bien compris que
l'homme était avide,
De son grand dénuement ils ont
rempli le vide.
Ces façonneurs de pierre et de
fer et de bois
Ont servi tous les gueux aussi bien que
les rois.
Sans l'ombre d'un regret, sans avoir de
remords,
On les condamne à mort,
Les Art isans.
Rejetant loin de lui ceux qui
l'aidaient à vivre,
Le troupeau des humains s'empoisonne et
s'enivre.
Les miasmes du progrès au fumier
du profit,
A la simple raison c'est le triste
défi.
Sans l'ombre d'un regret, sans avoir de
remords,
On les condamne à mort,
Les Artisans.
Ayant depuis longtemps disparu dans
l'usine,
Esclaves du patron, servant une
machine.
Leurs gestes, qui faisaient
apparaître le beau,
Ne seront désormais que gestes
de robots.
Sans l'ombre d'un regret, sans avoir de
remords,
On les condamne à mort,
Les Artisans.
L'suffrage universel,
Non! il n'est pas sans sel !
Querelles de personnes et aussi de boutiques,
Ce sont des jeux de cirque,
Des jeux de saltimbanques.
En effet, rien n'y manque .
Des boninenteu rs
Menteurs,
Qui enflammés ou ternes
Présentent des vessies en guise de lanternes .
Des jongleurs de formules,
Dangereux funambules ;
Des faiseurs de promesses,
Pour ou contre la messe.
Joviaux présentateurs auxquels nous disons
« bis »
Quand ils disent « Demain, nous raserons
gratis » !
On a peine à y croire :
Au cours de notre histoire
Des gars se sont battus
Pour élire un salaud qui les faisait cocus.
Là, vous pouvez me croire :
Si pendant la campagne il se dit votre ami,
Tous les coups lui sont bons, tous les moyens permis.
Mais pour moi : c est
fini !!!
Il n y a donc personne
là-haut ?
1 . Je me disais avec Marcelle :
« Quand nous aurons
quitté Sarcelles
Pour les vacances de
l'été,
Vive l'amour en
liberté! »
Je me suis aperçu bien vite
Que j'avais le doigt dans l'orbite !
Il fait beau, il fait beau , il fait
beau,
Le soleil vient nous griller la peau.
Il faut arrêter la canicule,
A la fin ça devient ridicule.
Il fait chaud, il fait chaud, il fait
chaud,
Il n'y a donc personne là-haut
?
2.
Maintenant , Madame se bronze
A moins le quart et à moins
onze,
Et sur les bords de l'océan
Je vois pulluler les céans.
Quand je m'approche je
débloque,
Il faut faire attention aux cloques !
(Au refrain)
3.
Entre nous, je ne pensais
guère
Que mon séjour serait
grégaire,
Au point de devenir malsain,
Par multiplication des seins.
Sully n'avait que deux mamelles,
Mais moi je les vois à la
pelle !
(Au refrain)
4.
Je regarde le baromètre
Qui pourrait enfin me permettre,
En s'abaissant, de m'enlever
Le désir qui me fait
rêver ;
Mais il n'y a pas un nuage
Et je suis forcé d'être
sage !
(Au refrain)
5.
Je pensais aux pins maritimes
Pour une promenade intime.
En arrivant ce fut en vain :
Ils étaient déjà
quatre-vingts !
Alors je dis à ma compagne :
« Pour l'an prochain,
c'est la montagne! »
(Au refrain)
Il est passé Noël,
voilà le nouvel an,
En me chauffant le trou
j'établis mon bilan.
Autrefois, je pissais; maintenant, je
pissotte
En faisant quelques ronds sur le bout
de ma botte.
Autrefois, fantassin, baïonnette
en avant,
Je montais au combat, et même
assez souvent.
Maintenant, à l'action j'ai
substitué le rêve
De l'instant fugitif, de la minute
brève.
Autrefois, au repas, j'en avais du
mordant !
Il est vrai que, pour ça,
j'avais toutes mes dents,
Adieu mes incisives et adieu mes
molaires !
Maintenant le rôti me rend
atrabilaire ...
Autrefois, plein d'élan, je
montais à l'assaut
Des salauds, des vendus, des pourris
et des sots.
Maintenant, j' ai compris, l'entreprise
est futile.
C'était peut-être beau,
mais c'était inutile.
Autrefois, j'admirais ce que l'on
trouve odieux
Brocarder les anciens et
piétiner les vieux.
Maintenant, les jeunots abîment
mon panache,
Me traitent d 'abruti et de vieille
ganache.
Je ne me vexe pas, trouvant ça
rigolo,
En pensant qu'eux aussi auront le
même lot.
Devenus vétérans, ils
comprendront le drame
De voir un beau poilu sans
présenter les armes.
Le ventre chaviré et les yeux
larmoyants,
Ils auront le dépit qu'ont eu
tous les croyants.
Leur regard de dévot
découvira la vierge
Sans avoir le moyen d'y allumer un
cierge.
Enfin, suprême outrage, ultime
panacée,
Ils la découvriront sur la
chaise percée.
En faisant comme moi, lorsqu'ils
seront vaincus,
Ils se rappelleront tout ce qu'ils ont
vécu.
Il monte de son lit ainsi que de ses
rives
Un charme délicieux. C'est un
enchantement
Qui vous arrive.
C'est la puérilité de
l'enfant qui babille,
Son débit continu vient calmer
les tourments
Et l'on peut constater qu'au fond un
rien l'habille
La belle fille !
Plongé dans un plaisir de
"relax" aquatique,
On peut imaginer que dans la nuit des
temps
Sur ses bords il vivait une cité
antique
Et que des ablutions s'y faisaient au
printemps,
Douce pratique.
Ma Dive, auprès de toi j'ai
passé mon enfance,
Ta personnalité a servi à
mes jeux,
Repoussant loin de moi les multiples
défenses
Et cette punition qui en était
l'enjeu.
Ma mère qui, bien sûr,
pardonnait mes offenses,
Malgré quelques soufflets - je
crois affectueux -
N'a jamais rebuté ma grande
indépendance.
J'ai vu se transformer ton modeste
débit
A peu près comme un boeuf
sortant d'une grenouille,
Et, la main sur le coeur, menteur qui
s'en dédit,
Une fois ou bien deux j'ai imité
Gribouille.
J'ai aussi constaté le
contraire, pardi !
Et je suis arrivé à prier
pour qu'il mouille.
En ce temps-Ià, les hommes
étaient civilisés,
Ils étaient amoureux de toute la
nature
Car c'était leur credo et leurs
Champs-Elysées,
Mais insensiblement c'est une
pourriture
Qui vient tout submerger.
Pour un peu de profit ils ont tari ta
source,
Pour goûter l'immédiat
sacrifié l'avenir,
Et ils ont de la terre emprunté
les ressources
De leurs propres enfants brisant le
devenir.
Ces pauvres insensés,
Ont-ils donc oublié
Que le soleil et l'eau sont les sources
de vie ?
C'est un petit chemin qui va d'un trou
à l'autre.
Le gueux y va peinant et le rupin s'y
vautre.
Sortant à contre-coeur de sa
chaude cachette,
Il n'est pas étonnant que l'enfant
pousse un cri,
N'étant pas rassuré. Le
monde qui le guette
Est si rébarbatif qu'il a
déjà compris.
De plus, il ne sait pas, en ouvrant sa
coquille,
Ce que sera son 1ot : le pire ou le
meilleur.
Dans les jeux de l'amour, qui
possédait 1a quille,
Etait-ce 1e patron ou bien le balayeur ?
Malgré tous les tabous, les lois,
les ordonnances,
Malgré 1es impuissants qui
prêchent l'abstinence,
Malgré l'appréhension et
malgré le remords,
Malgré le grand
péché dans la peur de la mort,
Malgré notre culture aux multiples
barrages,
Depuis la nuit des temps, d'où
nous vient cette rage ?
De vivre !
Ils seraient sept cent millions
Aussi gras que des cochons :
Nantis, bourgeois, dirigeants,
Qui font mourir bien des gens.
Et puis les cinq milliards
Qui souvent n'ont pas un liard,
Détestent tous ces
infâmes
Qui ont un corps mais pas
d'âme,
Par contre des Ssophages
D'anthropophages
Qui font de grands ravages.
P. S.
Attention! Un peuple intègre
N'abat pas les bêtes maigres
!!!
1991
Je ne suis, braves gens, qu'un vigneron
indigne,
Las de la féconder, je fais
brûler ma vigne.
Je me chauffe le cul et les parties
honteuses,
Ce n'est pas euphémisme ou phrase
tortueuse.
L'endroit est triomphant lorsque l'on
est gaillard,
C'est la Bérézina lorsque
l'on est vieillard.
Je me chauffe le cul avec
béatitude,
Le pauvre! J'ai pour lui de la
sollicitude.
Au risque de choquer les esprits
pudibonds,
Je tremble à chaque instant qu'il
me fasse faux bond.
Je me chauffe le cul, je somnole et je
rêve,
Du berceau au cercueil, que l'existence
est brève !
Lorsque je regardais couler l'eau sous
les ponts,
Un tas de pauvres idiots couraient le
marathon.
En me chauffant le cul,
évidemment, je songe
Que j'ai lu, entendu mensonges sur
mensonges.
Avec le temps passé, je commence
à savoir
Qu'un gueux a peu de droits et beaucoup
de devoirs.
Je me chauffe le cul et, les fesses
ravies,
Je suis revigoré, je renais
à la vie,
Car devant le brasier de mes sarments
noueux
J'ai conscience d'avoir un cerveau
monstrueux.
Je me chauffe le cul et mon esprit
gamberge :
Si nous logeons deux fois tous à
la même auberge,
C'est que, malgré l'argent que
l'on a peu ou prou,
Là où l'homme commence il
finit : dans un trou.
Enfin, pour terminer, que Dieu me le
pardonne,
En me chauffant le cul, parfois, je
barytonne,
Et, vilains et croquants, si cela vous
déplaît,
Sachez que l'expression vient du bon
Rabetais.
Un jour, quelqu'un a dit: " Au
fond du coeur le l'homme,
Se trouve un cimet ière
De chiens. "
En consultant le mien,
Je me suis aperçu sur le fond,
sur la forme,
Qu il avait bien raison.
Gardiens de la maison,
Par leur fidélité, mais
aussi leur tendresse,
C'est à eux que j'adresse
Ces quelques humbles vers.
Ils se sont insérés
dans mon triste univers
Et grâce à leur présence
Je ne suis pas tombé dans la
désespérance.
Je revois leur pelage et leurs yeux
si protonds.
Au fond de ma mémoire, il me
reste le nom
De tous mes compagnons :
Black, Pif, Tommy, Raboliot, Flupp,
Lijouba, Nouchka.
Et pourtant, derrière la vitre,
Le restant de ce qui fut un pitre,
Un grand coin de ciel bleu,
Son chagrin quand il pleut...
Et pourtant, derrière la vitre,
Le restant de ce que fut un pitre
Dans un monde peuplé de pantins,
L'existence putain,
Et pourtant que l'on trouve si belle.
Et puis là, une saison nouvelle
Qui va éclore...
Et pourtant, derrière la vitre,
Le restant de ce qui fut un pitre
Qui a le coeur battant
De voir des animaux qui sont bien
existants
S'ébattre. . .
Et pourtant, derrière la vitre,
Le restant de ce qui fut un pitre,
Pas forcément drô1e
Dans son rôle,
Qui vient vibrer encor
En regardant dehors
La vie . . .
Et pourtant, derrière la vitre,
Ce qui est resté de ce qui fut un
pitre,
Tout perclus de douleur,
Et qui a du bonheur
A regarder les fleurs
De pâquerettes...
Et pourtant, derrière la vitre,
Les restants d'un vieux pitre
Qui regarde les chats
Qui font des entrechats
Pour se sécher les pattes...
(Car toujours il m'épate,
Cet étrange animal !)